Ma complainte dans un monde qui marche sur la tête et mon hymne à celles et ceux qui rêvent d’autre chose.

  • L'atterrissage

    Il était romantique

    Notre oiseau métallique

    Il faisait des promesses

    De former la jeunesse

    Dessinait des nuages,

    Annonçait des rivages

    Décollages

    Au crépuscule

    Et villages

    Minuscules

    Il était bien pratique

    Héron supersonique

    Façon bottes de sept lieues

    Simplifiait les adieux

    On allait se revoir

    Rien que des faux départs

    Qui avait les moyens

    N'était jamais si loin

    Chanceuse insouciance

    Des globe-trotteurs d'autrefois

    Que la honte, cette rabat-joie

    Ne pointait pas encore du doigt

    Préparez-vous

    Pour l’atterrissage

    Et n’oubliez-pas

    La poésie dans vos bagages

    Faudra se faire pousser des ailes

    Escalader les arcs-en-ciel

    Chevaucher des cerfs, volants

    Et aussi prendre le temps

    De faire des avions en papier

    Du recyclé, évidemment.

  • Mal à la Terre

    J'ai mal, mal à la Terre

    Et je sais plus, plus du tout quoi faire

    Ils ont craqué l'allumette

    Et moi j'ai craqué dans ma tête

    Ils ont brûlé l'arbre de trop

    Et moi je brûle d'avoir trop chaud

    Et j'ai mal, mal à la Terre

    Et je sais plus, plus du tout quoi faire

    Me pointer dans les manifs

    Pour crier ma colère à vif

    Mais je suis pas du genre Greta

    Et puis les cons ça n'entend pas

    Retourner planter des arbres

    Ou bien cultiver des betteraves

    Parcourir le monde en charrette

    Ou à dos d'âne, comme Antoinette ?

    Communautés autogérées

    Bienveillance et potagers

    Zones à défendre et luttes locales

    Mais le monde n'irait pas moins mal

    Et moi j'ai mal, mal à la Terre

    Et je sais plus, plus du tout quoi faire

    Me barrer dans l'Himalaya

    Retraite mantras et mandalas

    Sagesse d'honorer ma douleur

    Mais c'est trop dur pour mon p’tit cœur

    Faudrait ressusciter Gandhi

    Ou épouser Jancovici

    Mais bon les hommes providentiels

    J'y crois pas plus qu'au septième ciel

    J'ai toujours mal, mal à la Terre

    Et je sais plus, plus du tout quoi faire

    Je pourrais vivre sous ecstasy

    Ou encore mieux, sous poésie

    Faire le coup de l'arche de Noé

    Mais en montgolfière pour changer

    J'emmènerais un éléphant

    Un loup, un poulpe, un scarabée

    J'emmènerais mon âme d'enfant

    Et des copains pour rigoler

    Des lucioles pour la lumière

    Et des forêts et des rivières

    J'emmènerais la beauté du monde

    L'Amazonie et la Joconde

    J'irais m'installer dans un nuage

    Pas de retour pour ce voyage

    J'irais habiter l'univers

    Pour avoir moins mal à la Terre.

  • La 5G

    À celui qu'on appelle

    El señor de la maleta

    Et qui promène sa valise

    Dans les montagnes du Cauca

    À ceux qui descendent au courrier

    Imperturbable assiduité

    Voir si arrive chaque jour

    La lettre d'un ancien amour

    Aux illusionnés romantiques

    Aux moitié-fous aux nostalgiques

    Aux don Quichotte et aux poètes

    Aux utopistes et aux esthètes

    C'est pas la 5G qui éclaire

    Notre monde désenchanté

    Mais ces héros de l'imaginaire

    Nos fournisseurs en liberté

    À tous les bailleurs aux corneilles

    Aux ahuris aux étourdis

    Aux veilleurs des choses du ciel

    Aux tombés de la dernière pluie

    Aux grands timides aux trop vertis

    Aux renverseurs de café

    Aux tête en l'air aux ébahis

    À ceux qui perdent toujours leurs clés

    Aux révoltés aux activistes

    Aux optimistes aux doux rêveurs

    Aux chiméristes aux humanistes

    Et à ma mère qui parle aux fleurs

    C'est pas la 5G qui éclaire

    Notre monde désenchanté

    Mais ces héros de l'imaginaire

    Nos fournisseurs en liberté.

  • Au passé recomposé

    Je veux passer mon doigt

    Dans la cendre des bûchers

    Pour écrire sur le bois

    Ce qu’a coûté la liberté

    Je veux mouiller ma voix

    Dans le silence des opprimées

    Pour chanter sur les toits

    L’hymne de la sororité

    Je veux toucher les larmes

    Des âmes brisées corps harcelés

    Pour tracer le hashtag

    De leur parole révélée

    Je veux tremper ma plume

    Dans l’encre des anonymes

    Pour graver sur la lune

    Leurs noms sortis de l’abîme

    Je veux rouvrir le dictionnaire

    Et pouvoir le désaccorder

    Je veux réviser la grammaire

    Qu’Elle puisse aussi être un sujet

    Je veux connaître d’autres ancêtres

    Que Lucy l’Australopithèque

    Je veux rêver d’autres starlettes

    Que Jeanne d’Arc et la Schtroumpfette

    Je veux réécrire l’Histoire

    Au passé recomposé

    Je veux retrouver la mémoire

    Au féminin conjuguée.

  • Marcher sur la tête

    Je ne vous parlerai pas

    Des glaciers ni des koalas

    Du GIEC ou des extinctions

    Vous connaissez la chanson

    Je ne vous en dirai pas trop

    Sur le métro boulot dodo

    Sur le système qui nous enchaîne

    Vous connaissez la rengaine

    Je vous dirai seulement que je préfère...

    Marcher sur la tête et partir à vau-l'eau

    Danser dans les nuages toujours un peu plus haut

    Être plus fou que les fous, quoi de plus sage à faire

    Dans cet asile à ciel ouvert

    Y en a qui partent pour d'autres vies

    À picoler en Sibérie

    D'autres passent la leur à chercher

    Une heureuse sobriété

    Puis y a ceux qui n’ont pas choisi

    Mais qui ont souvent tout compris

    Frugalité imposée de ces gens un peu moins bien nés

    Mais eux aussi vous répondront qu’ils préfèrent…

    Marcher sur la tête et partir à vau-l'eau

    Danser dans les nuages toujours un peu plus haut

    Être plus fou que les fous, quoi de plus sage à faire

    Dans cet asile à ciel ouvert

    Bonjour, excusez-moi, c’est vers où pour le sens ?

    Je l'ai pas trouvé sur Mars, ni sur Abondance

    Alors on prend la route, alors on met les voiles

    On mangera des arc-en-ciel et on vivra à poil

    Alors on prend la route, alors on met les voiles

    On fera la vaisselle à la poussière d'étoiles

    Parce qu'on préfère...

    Marcher sur la tête et partir à vau-l'eau

    Danser dans les nuages toujours un peu plus haut

    Être plus fou que les fous quoi de plus sage à faire

    Dans cet asile à ciel ouvert.

  • Criminels de mon cœur

    Criminels de mon cœur

    Sous écrous

    À l’heure où

    Tout s’écroule

    Les penseurs

    Les hackers

    Les lanceurs

    D’alerte au feu

    Les jeunes filles

    Sans peur

    Et à fleur

    De cheveux

    Ça les gêne qu'on s'enchaîne

    Qu'on leur gâche le match

    Ça fait tache quand on crache

    Sur un tableau même pour de faux

    Ça fait moche quand on coche

    Pas les cases bien tracées

    Chacun dans son carré

    Du sudoku qu'ils ont truqué

    Criminels de mon cœur

    Sous écrous

    À l’heure où

    Tout s’écroule

    Obéir

    Ou s’enfuir

    Se tapir

    Dans les creux

    De nos consciences

    Endormies

    Abruties

    À petit feu

    Ça dérange qu’on se range

    Pas dans le tas des silencieux

    Qu’on refuse de marcher au pas

    Comme des soldats baissant les yeux

    On préfère regarder en l’air

    Plutôt l’enfer que de se taire

    On préfère perdre à votre jeu

    Tant qu’on ne changera pas les termes

    Criminels de mon cœur

    Sous écrous

    À l’heure où

    Tout s’écroule

    On vous voit

    On vous croit

    On aimerait

    Suivre vos pas

    Avoir la foi

    Défier la loi

    Au nom de nos vies

    De nos droits

    On rêve de rejoindre la quête

    On voudrait nous aussi en être

    Avoir cette lueur au fond des yeux

    De ceux qui osent offrir leur tête

    Vos résistances nous honorent

    Face aux violences qui nous dévorent

    A l’impudence de ceux qui dansent

    Sur nos souffrances et sur nos morts

    Ils n'étoufferont pas les échos de vos voix

    Ce qui est déjà fait ne s'emprisonne pas

    Dans ma nuit dans la mort

    Brilleront vos lueurs

    Avec vous je fais corps

    Criminels de mon cœur.

  • Grand-Mère feuillage

    Quand je serai grande, je voudrais être grand-mère feuillage

    Et que cent lignes de vie s'écrivent sur mon visage

    Des signes sur ma peau comme des cernes sur un tronc

    Comptabilité cyclique des lunes et des saisons

    Je garderai en mémoire sous l’écorce des années

    Les plantes de grimoires, leurs secrètes vertus sacrées

    Pleurerai comme un saule dans la rivière asséchée

    Une larme par espèce que nos siècles auront effacée

    A quoi servent les vieilles ? A rien, certains le pensent

    Charmes de jeunes filles fanés et stériles pour la semence

    Amnésiques ou vieilles biques, mais l’amnésie nuisible

    N’est pas celle de l’âge, c’est un mal invisible

    Fléau héréditaire de l’oubli générationnel

    Si vous n’avez pas mieux à faire, allez donc parler à une vieille

    Elle vous dira le monde, du temps de ses premiers soleils

    Celui du chant des baleines et de la danse des abeilles.