On me dit dans l'oreillette
Que dans l'état de la planète
Certains énergumènes
De notre triste Anthropocène
Auraient
Dans l'idée
De changer
Pas le système,
non.
Mais le climat lui-même.
Je ne suis pas sûre de comprendre
Ils disent géo-ingénierie
Mais ça ressemble à s'y méprendre
À une vilaine dystopie
Ils veulent des boucliers géants
Pour nous protéger du soleil
Et des produits réfléchissants
Qui changeraient la couleur du ciel
Ce qui m'inquiète pour être honnête
C'est que s'ils touchent à l'infini
Du ciel au-dessus de nos têtes
Comment fera-t-on de la poésie ?
J'aimerais dire à ces gens-là
Comme j'écrirais au Père Noël
Faites les bêtises qu'il vous plaira.
Mais laissez-nous le bleu du ciel.
Un deux trois, soleil
Et quand je me suis retournée
Alice au pays des merveilles
T'avait fait croquer son goûter
Le gâteau qui fait grandir
À la vitesse de la lumière
Et laisse des miettes de souvenirs
Avec un arrière-goût d'hier
Je t'ai pas vue défaire tes couettes
Pas vue lâcher ta pom'pote
Sortir de ta turbulette
Et la troquer contre un crop top
CDD non renouvelé
Pour tes doudous et tes dents de lait
Moi j'ai un spleen de fin de récré
Une déprime de veille de rentrée
Si tu grandis j'ai plus personne
Avec qui croire aux licornes
J'appuierais bien sur replay
Allez viens,
trois deux un,
soleil.
Il y a des jours où je me sens
D'humeur potage
Où je voudrais être un légume
Un topinambour un amour d’artichaut
Vivre au chaud dans la serre
D’une âme potagère
Prendre ma douche à l’arrosoir
Et me faire soigner
Par des mains rugueuses
Des mains consciencieuses
Qui connaissent l’importance
Des gestes qui nourrissent
Il y a des jours où la sève
Me monte à la tête
Où je veux germer dans une friche
Retourner les pavés
Avec mes sœurs les herbes folles
Photosynthétiser
Au son du métro
Ou d’une teuf électro
Devenir le terreau
D'une récolte
Ou d'une révolte
Dans nos cités beaucoup trop bétonnées
Il y a des jours sauvages
Où je veux percer les montagnes
Recouvrir les alpages
Aux couleurs de Cézanne
Faire profil bas
Pour ne pas finir
Sous une semelle Quechua
Ou dans une pub Milka
Conte fleurette aux pissenlits
Me faire croquer par une brebis
Me frotter aux chardons ardents
Nourrir les abeilles au printemps
Me faire chatouiller l’étamine
Goûter le pollen de ma voisine
Il y a des jours où j’aimerais
Habiter un jardin secret
Tapissé de pensées
Interdites
Un endroit magique
Où tout serait possible
Où les cactus et les fougères
Pousseraient
A l'ombre d’un manguier
Sous lequel j'écouterais
Des histoires
Et des rêves
Mais toujours, tous les jours
Chercher la lumière
Toujours, tous les jours
Les pieds dans la terre.
J'ai découvert le pot au feu
Le grand secret de nos aïeux
Que l'habit ne fait pas le moi
Le compte insta j'en parle même pas
J'ai découvert le pot aux fleurs
Les fards ne font pas le bonheur
Il faut vieillir pour être belle
Et les complexes à la poubelle
J'ai découvert le pot aux roses
Bonsoir tristesse et vie morose
Le rien vaut mieux qu'un apparat
Bas les masques et haut les voix
On vit peureux on vit cachés
Derrière nos fausses identités
Vivons heureux vivons perchés
Vivons fiers de qui l'on est.
J’ai cherché
J’ai tracé
Des lignes de mots
Des slacklines tendues entre tous ces « moi-aussi »
Un immense réseau
Au-dessus de nos têtes
Pour qu’elles y déambulent
Ces ombres funambules
Qui toute leur vie vacillent
Sur la rive du vide
Innombrables survivants d’une enfance cassée
Innocence empêchée
Impensable réalisé
Insupportable impunité
Qu’on ne puisse plus
Ne pas les voir
Ces étoiles noires
Lucioles carbonisées
Et qu’on s’affole
Enfin
De toutes ces vies fêlées.